Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.

Ça nous a donné l’idée de faire un peu pareil, et on a commencé à construire un mini monde, avec des minis problèmes; il y a des règles et tout fonctionne simplement, même les gens. Quand quelqu’un dira « à table », tout le monde viendra tout de suite, personne ne hurlera. Ça peut vite être le chaos, alors gaffe.

Il y a un âge de la vie où l’on peut danser dans la rue en se regardant dans les vitrines, où l’on peut tomber en amour pour une locomotive 8800 kW de TGV Inouï – sans qu’on nous regarde de traviole.

Un âge où on peut penser qu’on règle la trajectoire des nuages et qu’on répond aux feuilles des arbres, qu’on entend vibrer la circulation des trains de la France entière – sans susciter d’inquiétude.

Quand on est enfant, on bénéficie a priori du regard bienveillant, tolérant, amusé des adultes sur nos excentricités – elles sont naturelles.

Quand on est enfant, on peut dire les pires méchancetés, les pires vérités, et les adultes rient, ou en tous cas ne se fâchent presque pas, et notent nos phrases dans un petit carnet. Admiratifs, presque.

Mais l’enfance, c’est aussi l’âge où on apprend les règles, les normes, qui circulent dans notre paysage – invisibles, indicibles et bien solides – et font qu’il est beau et rassurant ; l’âge où on les met à l’épreuve, les essaie, les incorpore. Pour un jour, en être, de ce monde adulte. Quoi de plus normopathe qu’un enfant ?

Et puis… Quelque chose change. Et si à ce moment-là tu marches encore à l’envers, la suspicion s’installe : aurais-tu un grain ?